L'influence des médias dans le contexte de l'autisme

L'influence des médias dans le contexte de l'autisme

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L'influence des médias dans le contexte de l'autisme

David, une personne adulte sur le spectre autistique : „Les médias nous bombardent sans cesse d'informations et d'impressions sensorielles. Et voici une publicité, qui doit bien entendu aussi être très lumineuse et faire de la musique, et voilà encore une actualité négative, qui doit être encaissée...“

Dans le cadre de nos 25 ans, que notre Fondation Autisme Luxembourg (FAL) fête cette année, nous voulons familiariser la société avec le spectre de l'autisme dans sa globalité. Pour ce faire, nous portons chaque mois, tout au long de l'année, notre attention sur un autre aspect spécifique de la vie, et échangeons avec des personnes concernées sur leurs propres expériences. De plus, nous complétons le tout avec des déclarations factuelles de la part d'experts de notre Fondation.

Ce mois-ci, nous portons notre attention sur l'influence des médias dans le contexte de l'autisme. On ne peut plus imaginer notre époque moderne sans les médias. Qu'il s'agisse des informations à la radio le matin en allant travailler, de la nouvelle série sur Netflix le soir ou de Facebook en cours de journée. Les médias sont devenus nos compagnons permanents.

Nous nous sommes demandé, outre la façon dont l'autisme est représenté dans les médias, quelle influence ceux-ci exercent sur les personnes sur le spectre autistique. Elles aussi sont quotidiennement bombardées d'informations de la part des médias, qu’elles doivent traiter, et ce au sein d'un quotidien qui est déjà souvent suffisamment chaotique et stressant pour elles.

C’est pourquoi nous avons rencontré 3 personnes adultes sur le spectre autistique et discuté avec elles sur leurs rapports avec le monde des médias. Les trois ont, plus ou moins fortement, intégré ce domaine dans leur quotidien. De plus, Judith, ergothérapeute au sein de la FAL, nous a donné quelques exemples d'expériences que notre équipe du service Soutien a rencontré lors d’entretiens avec des personnes concernées.

David : „Ce monde tumultueux dans lequel nous vivons représente déjà un assez grand défi pour des personnes autistes.“

David, qui partage quelque chose sur chacun des thèmes de nos „12 mois – 12 histoires“, indique pourquoi il est important de faire attention de toujours consommer ses médias de manière très consciente.

FAL : Comment décrirais-tu ta consommation de médias ?

David : Je dirais que j'ai une consommation médiatique très consciente, ce qui veut dire que j'essaye toujours de la limiter à ce qui est pertinent pour moi. Je passe par exemple beaucoup de temps à lire des livres, ou à m'informer sur différents thèmes via internet, par exemple en regardant beaucoup de documentaires sur Youtube. Je suis en revanche moins actif sur les réseaux sociaux, et je garde aussi en grande partie mes distances par rapport à l'actualité, parce que cette dernière a vraiment tendance à être déprimante.

FAL : Pour quelle raison les médias peuvent-ils représenter un défi pour les personnes autistes ?

David : Je pense que ce monde tumultueux dans lequel nous vivons représente déjà un assez grand défi pour des personnes autistes, puisque nous avons une façon neurodiverse de percevoir le monde et que nous devons tout d'abord traiter les informations avec lesquelles nous sommes bombardés dans notre quotidien. Lorsqu’on y rajoute les médias, par lesquels nous sommes vraiment mitraillés de nouvelles impressions sensorielles et informations tout au long de la journée, cela ne facilite certainement pas notre quotidien. Que ce soit en allumant la télévision, ou simplement en se connectant brièvement à son compte Facebook. Et voici une publicité, qui doit bien entendu aussi être très lumineuse et faire de la musique, et voilà encore une actualité négative, où une fois de plus il s'est produit une catastrophe... On en arrive naturellement à un point où ces informations doivent tout d'abord être encaissées.

FAL : Quelles astuces appliques-tu pour mieux supporter ce défi ?

David : Je pense qu'il est important de trouver sa propre stratégie et de prendre conscience du nombre d'informations et de la quantité de consommation médiatique avec lesquels nous nous sentons encore à notre aise. On peut alors par exemple se fixer soi-même une certaine discipline en choisissant consciemment ce qu'on souhaite, ou non, recevoir comme informations. Donc, se fixer des règles à soi-même, en se disant par exemple : „Cette publicité ne m'intéresse pas, donc je l'ignore complètement, et je ne vais pas commencer par passer une heure sur Facebook, mais je vais rechercher directement sur Internet le sujet auquel je souhaite m'intéresser...“

FAL : Comment trouves-tu que l'autisme est représenté dans les médias ?

David : Tout d'abord, je souhaite dire que je trouve bénéfique le fait que l'autisme soit pris en compte par les médias. Le problème avec l'autisme, c'est qu'il s'agit d'un spectre très large, ce qui rend impossible de définir clairement comment représenter un personnage dans un film comme étant autiste. Le fait est que chaque autiste est différent, et que, dans un film, on ne peut jamais montrer qu'une seule variante de la façon dont le handicap peut s'exprimer chez une personne donnée. De ce fait, on en revient hélas toujours aux deux mêmes clichés : soit l'autiste hautement intelligent, à la limite du génie, soit l'autre extrémité du spectre : des autistes avec un fort retard mental, qui ne parlent pas ou s'expriment très peu et subissent des crises de comportement.

FAL : Comment souhaiterais-tu que l'autisme soit représenté dans les médias ?

David : Je pourrais spontanément penser au fait qu'il serait par exemple une bonne idée d'indiquer très clairement, dans le film ou la série, que ce n'est qu'une petite partie de l'autisme qui est représentée, et que les schémas de comportement montrés ne correspondent en aucun cas à tous les autistes. Ce serait un peu comme les messages d'avertissement qu'on voit parfois au début ou à la fin d'un film.

Une autre possibilité serait aussi de l'imbriquer dans l'histoire, d'avoir par exemple un personnage dans le film qui dise „tous les autistes ne sont pas pareils, il y a aussi ceux qui sont comme ceci ou comme cela.“. Mais je suis conscient qu'il n'est pas toujours simple d'appliquer cela dans des films faits pour le grand public et où tout doit rester relativement simple à comprendre.

Fabienne : „Pour se donner bonne image sur les réseaux sociaux, on n'hésite pas à distordre la réalité...“

Fabienne ne saurait plus imaginer la vie sans les médias et en consomme plusieurs de façon quotidienne. Mais sur elle non plus l'influence des médias n'est pas toujours positive...

FAL : Passes-tu beaucoup de temps avec les médias ?

Fabienne : Alors en soi les médias sont toute ma vie – j'ai grandi avec et je consomme quotidiennement beaucoup de médias. Je suis passionnée de films, séries et également de jeux. Je dirais aussi sans hésiter que tout ce qui concerne mes jeux et séries est une forme „d'intérêt spécifique“ pour moi, dont on entend souvent parler en lien avec l'autisme.

En revanche, j'utilise principalement les réseaux sociaux pour partager des choses que j'aime. C'est peut-être aussi en partie pour m'évader du „monde réel“, où cela ne fonctionne pas toujours très bien avec les contacts sociaux. Cela dit, je dois ajouter que je remarque régulièrement que j'atteins parfois mes limites dans ce contexte également.

FAL : Que veux-tu dire exactement en disant cela ?

Fabienne : Je remarque régulièrement que je rencontre les mêmes problèmes sur internet que dans la „vie réelle“. Par exemple, tout comme je ne sais pas toujours spontanément quoi répondre lors d'une conversation, je ne suis jamais certaine de ce que je devrais poster ou non quand je suis en ligne. Dans le cadre de mes précédents emplois, j'ai par exemple déjà géré les comptes de l'entreprise sur les réseaux sociaux, et quand il y avait des commentaires en dessous de mes contributions, je me surprenais parfois à avoir des difficultés. Je ne savais pas ce qu'il valait mieux répondre dans ce genre de situation, et vérifiais encore et encore si c'était bien écrit.

FAL : Tu t'es rendue compte via Tiktok que tu pourrais être sur le spectre de l'autisme. Peux-tu nous en dire plus ?

Fabienne : Je suis avec intérêt différentes Tiktok-euses, qui sont elles-mêmes des femmes sur le spectre de l'autisme. Régulièrement, quand elles parlaient de leurs différentes difficultés et schémas de comportement, je m'y reconnaissais moi-même, et je me suis soudainement demandé si je ne pouvais pas être autiste moi aussi.

Je trouve dans tous les cas que c'est une possibilité à la fois importante et bénéfique, que des personnes qui sont sur le spectre puissent utiliser les médias pour parler publiquement de leurs difficultés. Ce n'est qu'ainsi que l'on peut lutter contre l'image souvent faussée ou extrême de l'autisme qui est représentée dans les films et séries.

FAL : Quels facteurs de stress les médias peuvent-ils d'après toi impliquer pour des personnes autistes ?

Fabienne : Ce n'est pas un secret que beaucoup de choses que les gens partagent sur leurs réseaux sociaux ne correspondent pas à la réalité. Tout le monde veut se montrer de la manière la plus positive possible sur les réseaux sociaux, et on n'hésite alors pas face à quelques „distorsions„ de la réalité. Hélas, on peut parfois aussi l'oublier, et quand on voit alors à quel point les autres personnes présentent leur vie de manière „parfaite„, il peut arriver que l'on se laisse trop influencer par cela et que l'on angoisse à vouloir aussi avoir une telle vie.

Ce qui me stresse personnellement le plus dans ce contexte, c'est quand je compare ma vie avec celle affichée sur les réseaux sociaux par d'anciens camarades de classe. Quand je vois alors tout ce qu'ils ont déjà accompli, et dont je suis encore très éloignée, qu'ils ont par exemple un emploi stable, des enfants ou une maison, cela peut représenter un facteur de stress important pour moi. En tant que personne autiste, on a plus de difficultés dans certains domaines, on ne trouve par exemple pas aussi rapidement un emploi adapté ou un partenaire fixe, et je pense effectivement que cela peut être plus compliqué à gérer pour les personnes concernées.

Steve : "Pourquoi devrait-on toujours faire comme les autres ?"

Steve, dont le nom a été modifié, n’y pense pas beaucoup au fait que les médias aient aujourd'hui une place si importante dans notre société.

FAL : Quelle est ton opinion personnelle sur les médias ?

Steve : Honnêtement, je n'aime pas beaucoup les médias. En soi, j’y passe beaucoup de temps, mais je ne pense pas que ce soit vraiment une occupation qui ait du sens. C’est souvent facile pour faire passer le temps. Je trouve aussi que cela dépend toujours de la raison pour laquelle l'on consomme les médias, et personnellement je regarde aussi des choses sur les champignons qui m'intéressent beaucoup. Il est possible d'acquérir une foule de connaissances précieuses via Internet, mais malheureusement, il arrive souvent qu’il ne soit pas utilisé par les gens à des fins faisant sens.

FAL : Qu'est-ce qui vous dérange le plus dans la consommation médiatique des gens ?

Steve : Ce sont surtout les réseaux sociaux avec lesquels je ne sais que faire. Disons-le ainsi : je ne trouve, en soi, pas mal du tout l'idée qui se cache derrière ces choses : à l'aide de ces plateformes, on peut, par exemple, échanger avec des personnes vivant à l'autre bout du monde. Malheureusement, la majorité des gens ne s'intéressent pas vraiment à cette idée et l'utilisent, à mes yeux, à mauvais escient. Ils prennent alors une photo de leurs plats et la publient, et sont heureux quand ils reçoivent un "j'aime" ou quelque chose comme cela...

Il y a aussi, cependant, d'autres raisons pour lesquelles je ne m'inscrirais pas sur une telle plate-forme. Non seulement cela entraîne beaucoup de cyberintimidation, mais on ne sait jamais avec certitude qui se trouve à l'autre bout du fil... Donc, avant de tomber sur un pirate informatique ou quelque chose comme cela, qui pourrait avoir accès à toutes mes données, je préfère ne pas y toucher. 

FAL : N’as-tu pas parfois le sentiment de devoir en faire partie ?

Steve : Non, pas du tout. En fait, je me fichais toujours de ce que faisaient les autres. Cela ne m'intéressait pas. Je n'y ai jamais participé et j'en suis fier. Pourquoi devrait-on toujours faire comme les autres ? Je suis mon propre chemin et je trouve que si l'on doit s'adapter d'une manière ou d'une autre aux autres afin d'être considéré comme un membre à part entière de la société, cela n'en vaut pas la peine.

FAL : A ton avis, dans quel sens les médias peuvent-ils tout de même être utilisés de façon positive ?

Steve : Comme je l'ai dit, j'utilise aussi les médias pour me concentrer sur mes propres intérêts et continuer à me former. Tout comme les champignons font partie de mes intérêts, les Lego le font aussi. Il y a aussi un "influenceur", c'est-à-dire quelqu'un qui fait toujours des vidéos pour les nouveaux sets Lego. J’aime beaucoup regarder ses vidéos pour faire passer le temps et en ce sens, je trouve que de telles choses sont une bonne occasion de m'évader de la vie quotidienne.

Bien sûr, l’on peut aussi avoir envie d'acheter les choses que l'homme présente, mais ce n'est pas comme si j'étais influencé à 100% par cela. Je peux cependant imaginer, que cela pourrait aussi présenter un danger pour certaines personnes, qui utilisent également Internet pour leurs intérêts spécifiques, et qu’elles soient trop distraites par la publicité et souhaitent acheter ces produits directement sur Internet. Malheureusement, les articles que vous pouvez facilement commander sur Ebay, peuvent par exemple, être falsifiés ou ne pas être comme le montre la photo... Mais pour cela, je conseillerais à quiconque de rechercher un vendeur digne de confiance.

Judith : " De plus, les films ou séries qu'ils ont vus plusieurs fois peuvent aider les personnes autistes..."

Judith travaille dans le service soutien de la FAL depuis plus de 10 ans. Comme elle nous l'a assuré, bien que les gens ne contactent pas souvent notre équipe soutien en raison de problèmes dans ce domaine, ils ont déjà entendu parler d'expériences intéressantes des personnes concernées. Il est important pour elle de souligner, qu'elle ne peut parler que des expériences qu'elle a rencontrées au cours de son travail sur le terrain, et que ces affirmations ne s'appliquent en aucun cas à toutes les personnes autistes.

FAL : Judith, quels sont d’après toi les points positifs des médias pour les personnes autistes ?

Judith : Spontanément, je vois trois points importants :

  1. Certaines personnes concernées qui ont des difficultés avec les interactions sociales utilisent des séries et des films pour apprendre cela. Ils analysent, par exemple, comment les gens réagissent dans les films et apprennent ainsi à interpréter correctement les expressions faciales et autres caractères non verbaux.
  2. Il y a beaucoup de personnes présentant de l’autisme qui ont des intérêts très spécifiques, qui ne sont pas si courants, et qui veulent vraiment y consacrer beaucoup de temps. Internet leur offre non seulement l'opportunité d'approfondir ces sujets, mais aussi peut-être de rencontrer sur différentes plateformes des personnes qui partagent ces mêmes intérêts.
  3. De plus, les films ou séries qu'ils ont vus plusieurs fois peuvent aider les personnes autistes à faire face à un quotidien stressant. C'est un fait que la vie quotidienne chaotique et changeante les fatigue énormément et quand ils regardent ensuite un film dans lequel ils savent très bien ce qui les attend, cela leur donne un certain point d’appui pour déconnecter le soir.

FAL : Les soi-disant « règles sociales », que de nombreuses personnes autistes ont du mal à comprendre, existent également dans le monde des médias sociaux.

Judith : Exactement. Dans le cadre de mon travail au service 'soutien', j'ai déjà accompagné des personnes concernées qui, selon leur niveau de compréhension sociale, n'avaient pas conscience, par exemple, qu'il ne fallait pas poster de choses trop personnelles ou, dans le pire des cas , pourraient avoir des ennuis s'ils partagent quelque chose avec une autre personne sans demander le consentement de celle-ci.

Il y a également déjà eu des gens qui avaient du mal à comprendre quand une personne voulait rester en contact sur les réseaux sociaux et quand cela n’était plus le cas. Cela inclut les « règles non écrites » selon lesquelles si, par exemple, une personne ne répond pas au cours d'une conversation dans un chat, elle ne souhaite plus écrire à quelqu'un. Dans ces cas, nous devons leur expliquer très soigneusement ce que signifient les "codes" individuels, qui peuvent ne pas être si clairs pour eux.

FAL : Comment l'image de l’autisme, souvent stéréotypée, présentée dans les médias peut-elle influencer les individus concernés ?

Judith : Ce que j’ai déjà souvent entendu de la part de personnes qui ont le syndrome d'Asperger, c'est-à-dire qu’ils ont un haut niveau fonctionnel et aucun symptôme apparent, de sorte qu'on ne voit pas tout de suite leur handicap, c’est que lorsqu’ils ont obtenu leur diagnostic à l’âge adulte doivent toujours se justifier auprès des autres personnes. Ces personnes, à cause de l'image stéréotypée qui est toujours dépeinte par l'autisme dans les films, ont une image si extrême dans leur tête, qu’ils ne peuvent tout simplement pas imaginer que l'autisme puisse être différent. Et c'est vraiment un gros problème pour beaucoup de gens car cela leur donne l'impression qu'ils ne font que simuler ou qu'ils n'ont pas le droit de parler de leur autisme, car, après tout, celui-ci ne serait pas aussi grave pour eux. Malheureusement, cela a également un effet sur leur estime de soi.

Appel aux familles

Toutes les personnes sur le spectre autistique et leurs familles peuvent avoir des problèmes très différents. Pour cette raison, il est important pour la FAL d’adapter le développement et la croissance de ses services existants aux besoins des familles concernées. Si vous deviez avoir un besoin spécifique, n’hésitez pas à nous contacter.

Tel.: 26 91 11 1

Email: autisme@fal.lu

Veuillez noter qu'en décembre, dans la dernière partie de notre projet "12 mois - 12 histoires", nous porterons notre attention sur la vie de famille liée à l'autisme.